« La loi sur le renseignement adoptée le 24 juin 2015 octroie des pouvoirs excessivement larges de surveillance très intrusive aux services de renseignement sur la base d’objectifs vastes et peu définis, sans autorisation préalable d’un juge et sans mécanisme de contrôle adéquat et indépendant ». Cette critique sans équivoque ne vient pas d’un groupe militant ou d’un parti de l’opposition mais du comité consultatif des Droits de l’Homme de l’ONU. Les dizaines d’opposants au texte issus des secteurs les plus concernés n’auront finalement rien changé à la détermination du pouvoir politique: la Loi sur le renseignement est désormais jugée constitutionnelle.
Presque pour la forme
Pourtant, on aurait pu y croire 5 min. Et pour cause, la saisine du Conseil avait elle aussi été l’objet d’une difficile bataille de la part de certains sénateurs et acteurs associatifs. Finalement, ça aura été beaucoup d’efforts pour un résultat qui ne peut laisser cours qu’au cynisme tant la décision annoncée jeudi 23 juillet au soir paraît ridicule et peu justifiée. Les arguments logiques et documentés démontrant la mise en place d’un système de surveillance de masse ont été si nombreux, qu’on ne peut plus accepter un tel niveau d’indifférence aux risques de dérives.
Parler d’indifférence relève d’ailleurs de l’euphémisme. À ce niveau on se situe soit dans l’incompétence volontaire, soit dans la complicité. Voyez par exemple ce qu’écrit le Conseil Constitutionnel pour justifier sa validation du système des boîtes noires:
« Ces dispositions ne portent pas une atteinte manifestement disproportionnée au droit au respect de la vie privée.«
Traduction: circulez il n’y a rien à voir.
Sur la totalité du texte, seul deux points fondamentaux ont été censurés:
- La procédure d’urgence opérationnelle qui consistait tout bonnement à se passer de l’avis de quiconque afin de mettre en place des mesures de surveillance ciblée. Notons que l’urgence « absolue » permettant de ne consulter que le Premier Ministre et donc de se passer de l’avis consultatif de la commission de contrôle (CNCTR) est elle jugée constitutionnelle.
- Les mesures relatives à la surveillance internationale. C’était le véritable bijou de la loi et pourtant peu mis en avant dans les critiques. Certains points permettaient de laisser les mains libres aux renseignements pour tout ce qui transitait par l’étranger. Grosso modo, l’immense majorité du trafic des français quoi. Heureusement, le Conseil Constitutionnel était là, et la DGSE va pouvoir continuer à le faire quand même mais dans l’alégalité comme on dit.
Parmi les nombreux a avoir déjà réagi, le Syndicat de la Magistrature résume bien la situation:
« La démocratie devrait pourtant être en berne : la France vient de faire le choix de la raison d’État contre les libertés.«
Nan, c’est pas glorieux en effet…
This is the end?
À priori, plus rien ne pourra maintenant s’opposer à la mise en place de cette loi. S’il reste à définir les stratégies de demain afin de reconquérir nos droits après cet attentat d’État, les outils nous permettant de lutter un peu sont en partie déjà disponibles.
J’essaie d’en présenter régulièrement sur ce site, certains sont déjà bien connus. Évidemment, on pense à Tor ou Tails pour les communications les plus délicates. Pour rappel avant de perdre tous ceux qui n’ont #RienÀCacher©, « délicat » concerne dorénavant tout ce qui peut porter atteinte à l’un des intérêts suivants (cf: texte de loi):
- L’indépendance nationale, l’intégrité du territoire et la défense nationale ;
- Les intérêts majeurs de la politique étrangère, l’exécution des engagements européens et internationaux de la France et la prévention de toute forme d’ingérence étrangère ;
- Les intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France ;
- La prévention du terrorisme ;
- La prévention :
- Des atteintes à la forme républicaine des institutions ;
- Des actions tendant au maintien ou à la reconstitution de groupements dissous en application de l’article L. 212-1 ;
- Des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique ;
- La prévention de la criminalité et de la délinquance organisées ;
- La prévention de la prolifération des armes de destruction massive.
Donc démerdez-vous avec ça, personne ne comprend de toute façon s’il s’agit-là de limites ou d’une liste tentant d’inclure un maximum de comportements.
Si vous lisez toujours et que vous êtes donc un dangereux-terroriste-qu’à-des-choses-à-cacher, je ne saurais que trop vous conseiller de vous tourner vers le chiffrement en général (bien que ce soit louche). Si les solutions ci-dessus vous paraissent trop lourdes, le VPN peut être une alternative sur PC ou smartphone. En chiffrant votre trafic et masquant votre IP, il permettra de contourner la vilaine habitude de censure qui se développe ici et surtout d’empêcher (si tout va bien), les boîtes noires de faire leur boulot au niveau des fournisseurs d’accès.
Chiffrer, ça peut également se faire au niveau du disque dur. Si vous en êtes là pour vous protéger de l’État c’est que vous avez vraiment un truc à vous reprocher (ça va vite 😉 ). Mais quoi qu’il en soit, c’est une sécurité de base pour vos données et qui peut servir à tout le monde, ne serait-ce qu’en cas de vol.
Enfin, pour les manifestations (ça aussi c’est suspect), des applications pour Android sont en cours de développement:
- Android IMSI-Catcher Detector (AIMSICD)
- SnoopSnitch
Renseignez-vous correctement avant d’utiliser ces applis car elles ne fonctionnent pas forcément avec tous les appareils et peuvent donner de faux positifs si on ne les utilise pas avec précaution.
Bien d’autres outils pourraient être présentés mais ça, c’est l’objet du site et non celui de ce seul article. Je vous invite donc à parcourir le menu « outils » et à visiter les excellents sites prism-breack et degooglisons internet afin de vous familiariser davantage avec les programmes qui vous permettront de reprendre un peu la main sur la gestion de votre vie privée.
Gardez l’œil ouvert, et le bon!
Bon ok mais mais restez zen quand même hein…
Je souhaitais vous informer que depuis 2010 nous assistons à des dérives extrêmement dangereuses des services de l’état qui de façon généralisée place des balises GPS sur les véhicules d’individus sans jamais en référer à un juge.
Cette surveillance peut être illimitée dans le temps, car il n’y a plus de juge pour en décider.
Ils font aussi appelle de façon systématique à des entreprises de surveillance comme par exemple SECURITAS pour vous faire suivre dans vos déplacements, ils enquêtent et relèvent des informations.
Tout cela n’est pas légal, mais vu que personne ne peut rien faire, il faut le dénoncer avant qu’il ne soit trop tard.
Merci pour le commentaire et désolé pour le délais de validation. En ce qui concerne la loi renseignement, il s’agit justement de légaliser ce type de pratiques en cas de suspicion d’un profil « terroriste » chez un individu.