C’est probablement la prochaine étape majeure du développement des nouvelles technologies: la conquête des corps. Que ce soit par le Quantified Self et les appareils de mesures corporelles, par les services d’analyse ADN comme celui dont Google est un grand soutien ou par la consultation médicale en ligne, les géants du net s’intéressent à notre santé.
Ils ne sont d’ailleurs pas les seuls, puisque ce sont aussi les assurances qui flairent le bon plan et entrevoient les contrats du futur en fonction de notre hygiène de vie.
D’ici peu, Google proposera donc aux américains des résultats relatifs aux pathologies à propos desquelles ils pourraient se poser des questions.
Un choix qui peut se révéler être lourd de conséquences…
C’est juste pour voir…
La consultation du web pour en savoir plus sur nos éventuels symptômes est une pratique déjà fort répandue. Les sites ne manquent pas, et leur succès n’est plus à prouver. Pour ne pas louper le coche, Google intégrera lui aussi des informations médicales lorsque nous utiliserons son moteur de recherche. Conscient des dérives possibles, la firme prévient:
« Nous vous montrerons les symptômes typiques et les traitements, ainsi que des détails sur les particularités de la maladie : est-ce qu’elle est grave, est-ce qu’elle contagieuse, quelle est la population la plus affectée et ainsi. Pour certains maux, vous verrez aussi des illustrations de haute qualité provenant des illustrateurs médicaux homologués »
C’est donc avec un grand culot que Google se déresponsabilise déjà des conséquences qu’aura cette décision. Quel internaute ne sait-il pas déjà qu’Internet ne peut remplacer un médecin mais s’entête pourtant à donner lui-même un nom à un symptôme supposé? La consommation de ce type de données est addictive et renforce bien souvent de petites tendances à « l’hypocondrie » ou crée des « psychoses ». Au moindre problème, certains se ruent sur ces sites, et partant d’une manifestation anodine de leur corps, ils tombent nez à nez avec un diagnostique alarmiste (cancer, SIDA etc.).
Ces personnes savent pourtant qu’un site ne remplace pas un médecin…
Alors quoi qu’il puisse en dire, quand Google affirme qu’il ne s’agit que de données sur les maladie mais précise tout de même que des médecins les ont vérifiées, il essaie objectivement d’en renforcer la légitimité en tant qu’outil de diagnostique. Mais on ne s’improvise pas docteur en médecine.
Humanisme ou stratégie commerciale?
On le répétera jamais assez: Google est une entreprise commerciale qui repose sur la collecte de données personnelles dans le but de les revendre à des annonceurs. Lorsque l’on parle de santé, les enjeux semblent encore plus dérangeants que d’accoutumée. À quoi ressemblera l’Internet de demain lorsque nos recherches d’informations sur des symptomes nous mettront directement en contact avec des laboratoires pharmaceutiques? Dors et déjà, les pharmacies peuvent acheter des mots-clés relatifs à des médicaments dans certains pays.
En parallèle, l’automédication a déjà gagné beaucoup de terrain à cause du déremboursement de nombreux médicaments d’usage courant. Ce sont aussi les supermarchés qui poussent à adopter le modèle américain qui permet la vente libre de nombreux produits.
Quel voie est-on en train d’emprunter? Sommes-nous bien certains de vouloir confier notre santé à des entreprises dont l’objectif est l’accumulation de profits sans limites, quand bien même cela signifierait fractionner nos corps en données monétisables? Serons-nous toujours propriétaires des données concernant notre corps? Quel secret médical pour demain? Quel contrôle des politiques de santé quand ce sont des entreprises plus fortunées que des États qui mènent la danse? Les interrogations persistent.
Mais pour les fondateurs de Google, si problème il y a, ce n’est pas au niveau de l’éthique, mais du côté de normes de régulation jugées excessives qu’il se situe:
« La santé est tout simplement tellement régulée que c’est un cauchemar que d’y faire des affaires. Ce n’est tout simplement pas là que j’ai envie de passer mon temps. Et même si nous avons quelques projets santé, nous les pousserons jusqu’à un certain stade. Mais je pense que les contraintes règlementaires aux Etats-Unis sont tellement importantes qu’elles dissuaderaient n’importe quel entrepreneur. » Sergey Brin
« je trouve vraiment très intéressante la possibilité d’améliorer la santé grâce aux données. Mais je suis d’accord avec ce que vient de dire Sergey. Ce business est tellement régulé qu’il en devient très compliqué. Je m’inquiète vraiment que ces régulations ne nous tiennent à l’écart de possibilités fantastiques. » Larry Page
Les technologies numériques peuvent amener de grandes avancées dans le domaine de la médecine lorsque des professionnels qualifiés et responsables s’en emparent. Mais si des entreprises comme Google, Apple ou IBM se lancent sur ce marché, nous ferions mieux de rester méfiants; car collecte de données, recherche du profit, et santé, ne font pas toujours bon ménage…
Pour creuser un peu le sujet: http://www.numerama.com/magazine/28489-la-medecine-personnalisee-ou-la-sante-confiee-a-google-et-apple.html