Sommes-nous à nouveau en marche vers le totalitarisme? La question se pose sérieusement lorsque l’on observe les évolutions du rapport des États à Internet. Bien sûr, le temps du parti unique semble révolu, mais l’attitude de l’État (quels qu’en soient ses gérants) ne reste t-elle pas d’une terrifiante constance?
Prenons le Patriot Act par exemple. Voté par l’un des présidents américains les plus détestés, et sous couvert d’une lutte contre le terrorisme dont on sait qu’elle a bon dos, n’est-il pas toujours en vigueur (et renforcé) quand bien même l’opposition est au pouvoir?
Au Royaume-Uni, cette constante macabre (consistant à durcir la surveillance des États années après années) s’observe également. En 2006, le Labour Party proposait de surveiller toutes les communications téléphoniques incluant SMS et internet. Et c’est aujourd’hui cette même opposition qui criait à l’époque au scandale qui est sur le point d’imposer la surveillance généralisée des communications.
Big Brother le retour
Leur souhait: enregistrer le détail des communications téléphone, e-mails, et visites de sites, afin de les mettre à disposition des services secrets en temps réel, et sans mandat. Ceux-ci ne devraient pas avoir accès au contenu des communications mais peut-être n’est-ce qu’un début… Quoi qu’il en soit, établir les liens de communication entre les individus constitue déjà une somme d’informations considérable en vertu du principe « dis-moi qui sont tes amis et je te dirai qui tu es ». C’est d’ailleurs en partie sur cet adage que Facebook établit ses profils d’utilisateurs.
Numérama rappelle dans cet ordre d’idée que les méta-données (les informations sur l’information) sont de première importance pour les services de renseignement:
« On les stocke, sur des années et des années, et quand on s’intéresse à une adresse IP ou à un n° de tel, on va chercher dans nos bases de données, et on retrouve la liste de ses correspondants, pendant des années, et on arrive à reconstituer tout son réseau. »
Bernard Barbier, Directeur technique de la DGSE.
L’argument du terrorisme
À tous ceux qui n’ont rien à se reprocher: ce projet est pour vous. Une fois encore, c’est avec l’argument de la lutte contre le terrorisme que les autorités tentent de justifier l’injustifiable:
« Il est crucial que la police et les services de sécurité soient en mesure d’obtenir certaines données sur les communications, dans certaines circonstances, afin d’enquêter sur les crimes graves et le terrorisme et pour protéger la population »
Se faire surveiller pour son propre bien en sorte. Nous ne rappellerons pas que pendant les révoltes il y a quelques mois, le gouvernement projetait de couper les réseaux sociaux, les communications téléphoniques, et de déchiffrer certaines communications d’un service de BlackBerry. On n’ose imaginer ce qu’il serait capable de faire avec une telle loi…
La reine annoncera en principe le 9 mai prochain si ces mesures prendront effet ou non dans le royaume.
Avant de penser à ce que des gouvernements peuvent faire de nos données, réfléchir à ce que les grands acteurs du web peuvent en faire me semble indispensable. La menace de l’état invasif est identifiée et décriée, celle d’une structure mondiale privée est une nouveauté silencieuse, à laquelle on ne peut donner qu’un nom analogique : le totalitarisme numérique.
http://journalduclic.wordpress.com/2012/05/13/le-totalitarisme-numeriqu/
L’information reste notre arme encore aujourd’hui.
Oui tout à fait d’accord avec toi sur la gestion des données par les entreprises, c’est d’ailleurs en grande partie l’objet de ce site. Par contre, je ne pense pas qu’il faille la mettre en concurrence avec la gestion par les États. Les deux nécessitent une opposition (ce qui est loin d’être le cas, en témoigne le peu d’intérêt accordé à l’affaire Amesys), et la conservation par les entreprises sert bien souvent également la « curiosité » des États (voir notamment le patriot act)
En ce qui concerne l’emploi du mot totalitaire, je reste un peu réservé étant donné sa connotation fortement liée à l’État et au centralisme. On reste malgré tout dans un système de concurrence mettant en scène plusieurs acteurs qui ne coopèrent pas forcément. Mais la tendance au quasi monopole dans certains domaines invite légitimement à faire le parallèle.
Par contre, j’insisterais bien sur le fait que le problème n’est pas en soi le numérique, mais la façon dont certains l’utilisent, en témoignent les nombreuses initiatives qui dans la sphère du logiciel libre, prouvent que d’autres systèmes, respectueux de la vie privée des internautes, sont possibles.